La chronique du roman « Never Sky, tome 2 : Ever Dark » de Veronica Rossi

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Après leur séparation forcée, Aria et Perry laissent éclater leur passion au grand jour. Ils doivent pourtant se rendre à l’évidence : la tribu de Perry n’accepte pas la présence d’Aria, une Sédentaire. Aria décide alors de rejoindre seule la tribu des Cornans. La route est dangereuse mais, là-bas, la jeune fille pourra obtenir des informations sur le Calme Bleu, le seul endroit où l’Ether ne frappe pas, laissant aux hommes une chance de survie.

Il sort le 26 septembre 2013 aux Editions Nathan, 400 pages, 16,50€.

MON AVIS :

Never Sky avait été un coup de cœur inattendu — inattendu car les romans jeunesse suscitent rarement mon enthousiasme à un tel degré —, et je trépignais donc à l’idée que le tome 2 sorte pour m’immerger de nouveau dans cette terre futuriste où l’éther meurtrier a conduit l’humanité à s’organiser pour survivre, certains, les Sédentaires, ayant eu le privilège (tout relatif) d’intégrer des capsules où ils surfent dans des mondes fictifs appelés Domaines, tandis que d’autres, les « Sauvages », doivent vivre dans une nature hostile.

La confrontation de ces deux manières de vivre conférait au récit une double appartenance, à la fois SF, avec la technologie de pointe des Sédentaires, et Fantasy du fait de ce retour à l’état de nature qui a contraint les exilés à se regrouper en clans et à adopter des us et coutumes tribaux.

Ajouté à cela, nous avions droit à une touche de surnaturelle avec les dons développés par de rares individus vivant hors des capsules, dont les sens s’étaient affûtés, faisant du peu d’élus des Marqués appelés Vigiles, Olfiles ou Audiles en fonction du sens exacerbé qui peut respectivement être la vue, l’odorat ou l’ouïe. Pour finir, une histoire d’amour remarquable s’était mise en place entre Aria la Sédentaire et Perry le Sauvage doublement Marqué. Ces deux personnages avaient chacun une belle profondeur ainsi qu’une maturité surprenante, leurs ressentis respectifs étaient magnifiquement dépeints par une alternance de points de vue portée par un style qui était une véritable poésie des sens.

Dans Ever Dark, on retrouve avec joie tous ces éléments, et l’histoire prend un nouveau tournant puisque Aria et Perry, qui avaient dû se séparer, sont réunis, mais doivent malheureusement prendre sur eux pour ne pas dévoiler leurs sentiments, car la tribu du jeune Seigneur de sang, les Littorans, éprouve une haine viscérale pour les Sédentaires. Perry, qui a acquis ce titre en versant le sang de son frère Vale, doit affirmer son autorité au sein de son clan, ce qui va s’avérer délicat malgré le soutien des Six, ses gardes personnels. En parallèle, Aria, qui a découvert qu’elle n’était qu’à moitié Sédentaire, et qui a développé un talent d’Audile, doit s’habituer à cette nouvelle existence en même temps qu’elle cherche le Calme Bleu, cet endroit utopique épargné par l’éther, qu’elle doit absolument retrouver pour sauver Talon, le neveu de Perry, des griffes du Consul Hess, celui-là même qui l’a bannie de sa capsule, Rêverie, en la faisant injustement passer pour une meurtrière.

Veronica Rossi n’a pas choisi la facilité dans cette suite, car au lieu de faire tomber les héros dans les bras l’un de l’autre, alors que ce n’est pas l’envie qui manque, elle les contraint à refouler leurs sentiments, et c’est une véritable torture à lire, d’autant qu’on sait que Perry est en symbiose avec Aria, que la moindre de ses émotions ne lui échappe pas. L’histoire d’amour est là, bien réelle et réaliste puisque la survie d’un clan entier doit passer avant ce lien particulier qui unit les deux protagonistes. On découvre l’organisation des Littorans au quotidien, le manque de nourriture dont ils souffrent à cause des orages d’éther qui détruisent leurs champs et brûlent les alentours. On se frotte à leur rudesse, à leur étroitesse d’esprit dont Aria fera les frais. C’est l’occasion de revenir sur les raisons abjectes qui ont conduit les dirigeants à mettre seulement une partie de la population en capsules.

Aria est une jeune femme vraiment touchante, elle a gagné en indépendance et elle est devenue plus dure ; c’est très agréable de la découvrir ainsi, d’autant qu’elle a conservé la gentillesse qui nous la faisait apprécier. Perry, lui, est un très beau personnage masculin, toujours aussi volontaire, qui fait passer l’intérêt des siens avant tout, même avant ses propres désirs. C’est un chef au sens noble du terme. Outre ces deux protagonistes, on retrouve Roar, l’ami d’enfance de Perry, un Audile, qui a gagné l’amitié d’Aria puisqu’ils ont passé plusieurs mois ensemble chez Marron qui les avait recueillis dans le tome 1. Leur relation est touchante, autant que celle amoureuse qui lie Perry et Aria. Roar est mis en lumière ici, et on apprécie de vivre par procuration ses retrouvailles avec Liv, la sœur de Perry qu’il aime plus que de raison.

L’action ne manque pas, et encore une fois la violence est explicite, pas atténuée pour épargner la sensibilité des jeunes lecteurs, ce qui ne servirait à rien tant on la conçoit sans mal dans un univers aussi sauvage. La quête d’Aria la conduit à s’éloigner de Perry, à rejoindre le territoire de Sable qui semble détenir le secret de la localisation du Calme Bleu. Jusqu’à la fin, les enjeux ne cessent de s’affiner, et des alliances improbables sont conclues. Tout cela promet un troisième opus formidable, Veronica Rossi sait indéniablement jouer sur la corde de l’émotion sans en abuser et elle a créé un monde menaçant qui rend tout plus intense, de la plus infime marque d’affection à la plus grande trahison.

Ecrit par Julie