La chronique du roman « Warbreaker » de Brandon Sanderson

51917J0xIML

Voici l’histoire de deux sœurs, Vivenna et Siri. L’histoire du Dieu-Roi que l’une d’entre elles doit épouser, et de Chanteflamme, un autre Dieu qui n’aime pas son travail. Et celle de Vasher, un immortel qui tente de réparer les erreurs qu’il a jadis commises, et de Saignenuit, sa mystérieuse épée. Dans leur monde, celui qui meurt auréolé de gloire devient un dieu. Il vit dans le panthéon de la cité d’Hallandren, et utilise la magie biochromatique, la magie du Souffle. Un Souffle qu’on ne peut récupérer qu’une fois, sur un individu à la fois.

Voici un roman qui présente plein de qualités, mais également un gros défaut qui rend, à mon grand regret, la lecture assez laborieuse en cours de route, alors que tout commence si bien… Brandon Sanderson est un excellent conteur, on ne peut pas lui enlever ça, car on garde, grâce à sa plume fluide et visuelle, une bonne impression de notre lecture, malgré les longueurs qui viennent encombrer le récit et le déséquilibre flagrant que l’on ne peut que relever entre la mise en place de l’intrigue et son dénouement, somme toute, peu satisfaisant.

Parlons d’abord des choses positives. L’auteur a créé un monde extraordinaire où la magie repose sur le Souffle, une énergie que chacun possède et qui rend la vie littéralement plus colorée. Chaque individu a la faculté de renoncer à ce Souffle au profit d’une autre personne, voire d’en cumuler de grosses quantités pour s’en servir en tant qu’Éveilleur. L’Éveilleur dispose de facultés sensorielles et psychiques accrues, en plus de pouvoir animer les objets à sa guise, sa maîtrise reposant sur le niveau d’Élévation qu’il a atteint, et qui dépend étroitement du nombre de Souffles qu’il possède. Brandon Sanderson a pensé à tout techniquement parlant, et il est généreux en explications qui nous captivent autant que la mise en pratique de la magie biochromatique efficacement décrite à l’aide du ressenti physique des personnages, et de leur perception changeante des tons de la réalité. C’est beau, très beau.

Dans cet univers, on apprécie tout particulièrement la place de la religion avec trois peuples, dont deux plus exploités, qui s’opposent radicalement depuis la fin d’une guerre qui les a divisés. L’histoire d’Idris et d’Hallandren est passionnante, et les préjugés qu’elle a ancrés dans l’esprit des protagonistes que nous suivons sont très crédibles. La quête de Siri pour découvrir la vérité sur les origines de cette inimité titille agréablement notre curiosité, encore plus quand on voit les bâtons dans les roues qu’on essaie de lui mettre.

Disons-le, les personnages sont assez clichés, entre la princesse guindée qui va se retrouver obligée de faire des entorses monumentales à ses principes, pour finalement se rendre compte que cela ne lui pose pas tant de problèmes, la seconde princesse plus légère qui va s’affirmer, la bande de mercenaires qui aiment cogner et semer la zizanie. Mais, et c’est un grand mais, l’auteur leur a donné un bon quota de sympathie qui nous pousse à nous impliquer dans leurs péripéties respectives. Il a également mis en place une jolie romance qui nous touche grâce au personnage masculin, Susebron, de prime abord mystérieux et qui se révèle d’une belle sensibilité.

Le texte n’est pas dénué d’humour, plus prégnant par moments pour coller au tempérament du protagoniste que l’on suit. On relèvera plus particulièrement la présence d’un personnage léger, assez cocasse et décalé dans ce monde de fantasy, je parle de Chanteflamme le hardi, dieu malgré lui, qui apporte beaucoup de désinvolture au texte. D’ailleurs, c’est de loin celui qui nous surprend le plus…

C’est vraiment dommage que l’auteur ait étiré son histoire, au point de rendre certaines scènes répétitives. Même les grands discours qui nous parlaient tant au début deviennent rapidement indigestes… Le lecteur a l’impression de s’enliser dans une intrigue dont il a pourtant compris les ficelles, car s’il est vrai que les événements comportent quelques petites surprises relatives aux personnages, les grandes lignes du dénouement, elles, sont visibles depuis le début.

Un bon livre de fantasy, finalement assez classique, qui souffre de longueurs inutiles, ce qui fait râler quand on voit l’originalité de l’univers et la magie d’un style qui parvient à rester fluide, même lorsqu’on aborde la technicité du Biochroma.

NB : L’épée Saignenuit nous rappelle furieusement celle tout aussi maudite, Stormbringer, du Elric de Moorcock.

Il est sorti le 24 octobre 2012 aux éditions Orbit, 560 pages, 22, 90€.

Ecrit par Julie