La chronique du roman « Even dead things feel your love » de Mathieu Guibé

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Au terme de votre vie, à combien estimez-vous le nombre de minutes au cours desquelles vous avez commis une erreur irréparable ? De celle dont les conséquences régissent d’une douloureuse tyrannie vos agissements futurs jusqu’au trépas. Mon acte manqué ne dura pas plus d’une fraction de seconde et pourtant ma mémoire fracturée me renvoie sans cesse à cet instant précis tandis que la course du temps poursuit son inaltérable marche, m’éloignant toujours un peu plus de ce que j’ai perdu ce jour-là. Je me demande si notre dernière heure venue, les remords s’effacent, nous délestant ainsi d’un bagage bien lourd vers l’au-delà ou le néant, peu importe. Puis je me souviens alors qu’il s’agit là d’une délivrance qui m’est interdite, condamné à porter sur mes épaules ce fardeau à travers les âges, à moi qui suis immortel.

L’amour ne devrait jamais être éternel, car nul ne pourrait endurer tant de douleur.

Il est sorti en mars 2013 aux Editions du Chat Noir.

Mon avis:

« Pourquoi faut-il que l’amour qui est si doux d’aspect, mis à l’épreuve, soit si tyrannique et brutal »

Roméo et Juliette de Willam Shakespeare

La plume de Mathieu Guibé est poétique, raffinée et envoûtante, accompagnée d’un style descriptif minutieux, mais sans être écrasant. Cela nous permet de bien nous immerger dans cette histoire tragique traversant les siècles de l’ère victorienne à notre époque.

En ce qui concerne l’univers, celui-ci est obscur. On est dans une lignée plus classique du comte vampirique. Nous avons un protagoniste solitaire, dénué de compassion et cruel. Toutefois, l’auteur apporte sa touche personnelle tout en mélangeant différents folklores, des créatures variées (revenants, sorcière roumaine…). Tout y est bien construit et addictif.

On a vraiment du mal à lâcher le roman avant de l’avoir fini.

Pour ce qui est de l’intrigue, elle est très bien menée. De plus, j’ai aimé la présentation originale du récit, car c’est découpé en quatre parties avec quatre épilogues. Mathieu Guibé, à travers ses mots, nous parle d’un sujet universel : de l’amour et de sa disparition.

Comment exister sans lui, quand on est immortel et que l’on ne peut mettre fin à sa vie ? Cette dernière se transforme en frustration et l’on plonge dans les abîmes du chagrin.

En outre, il se pose la question : de quoi seriez-vous capable de faire pour vivre à nouveau quelques jours avec votre âme sœur ?

Du côté des protagonistes, nous suivons Josiah Eddington Scarcewillow. C’est un enfant de la nuit, un prédateur qui est las de vivre, égoïste et se complet dans sa cruauté. Mais bien qu’il vive en marge des humains, il sait s’intégrer aisément au sein de la société anglaise.

Un soir qu’il part chasser dans les bois de son enfance, il tombe sur une jeune femme aux traits délicats. Cette rencontre modifiera le reste de son existence.

Dès lors, nous suivons la naissance d’un amour absolu qui va unir ses deux êtres aux caractères différents, l’un est douceur, l’autre douleur. Elle fera naître en Josiah des sentiments qu’ils croyaient perdus. Elle lui redonnera goût à la vie.

Cependant, un événement les séparera de bien des manières et notre vampire, brisé et ravagé par la perte de son amour, fera tout pour retrouver son aimée.

Mathieu Guibé, nous décrit parfaitement les émotions des personnages, la noirceur, la mélancolie, le désir inassouvi qui traverse les âges et l’improbable.

Ce sont des personnages émouvants et bien développés. Josiah est un homme touchant que l’on ne peut pas détester malgré certains de ses actes.

En outre, j’aurais apprécié suivre un peu plus la vengeance du chasseur de vampire, qui aurait, je pense, apporté un petit plus au récit.

Pour conclure :

« Even dead things feel your love » est une romance sombre, purement magnifique et d’une belle intensité où se côtoient délicatesse, sacrifice, cruauté et amour.

À lire !