La chronique du roman « Le Baiser du Rasoir » de Daniel Polansky

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Il y a eu la vie dans la rue. Il y a eu la peste. Il y a eu la guerre. Il y a eu la magie… Prévôt a survécu. Il règne désormais sur le quartier de Basse-Fosse, dealant pour les faibles comme pour les puissants, rappelant à l’ordre de manière définitive les inconscients qui viendraient empiéter sur son territoire. Pourtant, plusieurs enfants sont retrouvés morts. Pas question pour Prévôt de laisser ces crimes impunis, d’autant que les agents de la Couronne ne semblent pas pressés de résoudre l’affaire. Mais qui, du meurtrier ou de Prévôt, connaîtra le baiser du rasoir ?

Il est sorti le 2 janvier 2014 aux Editions Folio, 8.40€.

Mon avis:

Le style entraînant, vif et cinématographique de Daniel Polansky m’a séduite. J’ai plongé avec délectation dans son récit à l’atmosphère étouffante au milieu des entrailles de Basse-Fosse. Je me suis revu dans les ruelles sombres de Londres au temps de Jack l’Éventreur (bien que le roman n’ait rien à voir avec ce dernier). Le rythme est rapide, le récit entrecoupé de scènes d’actions violentes et sanglantes pour notre plus grand plaisir.

En ce qui concerne l’univers, il est saisissant et bien développé. On pénètre dans la ville de Rigus, plus précisément dans les rues de Basse-Fosse où vit la lie de l’humanité  dans des quartiers ayant leur propre culture, leurs propres mœurs et règles. La majorité de ces derniers sont sales, laids et en proie à la dépravation morale et physique. On y croise petits délinquants, prostituées et flics corrompus. Et l’on sait également que derrière ces murs, au lourd passe, la sorcellerie est à l’oeuvre. J’aurais grandement apprécié un glossaire pour certains termes qui sont propres au monde de Daniel Polansky, car on demeure dans un flou perpétuel pour la définition de certains mots, et c’est très frustrant.

Pour ce qui est de la trame, le schéma est assez classique, mais le complot est bien ficelé avec suffisamment de révélations et de retournements de situation pour garder le lecteur intrigué. De plus, j’ai apprécié les flashbacks du passé de notre héros qui sont pertinents par rapport au déroulement de l’histoire. De surcroît, cela étoffe le personnage. J’ai vraiment aimé me perdre dans cette énigme mystique où je n’avais pas vu venir le coupable.

Du côté des protagonistes, on en croise de nombreux qui sont tous importants à leur manière dans l’enquête que mène Prévôt. Ils sont divers et variés, et souvent immoraux. Personne n’est jamais tout à fait ce qu’il semble être. Ils ne sont ni blancs, ni noirs, mais forment plutôt une grande palette de gris. Quoi qu’il en soit, ils sont tous convaincants et intéressants, et leurs interventions sont pertinentes.

Pour ce qui est de Prévôt, c’est un homme complexe. C’est un ancien agent de la couronne qui est devenu un notoire de la pègre et qui règne sur Basse-Fosse avec un gant de fer. C’est un loup solitaire, taciturne et décati. Un anti-héros, trafiquant de drogue au code moral douteux. Toutefois, on s’aperçoit qu’il est très loyal envers ceux qu’il aime. Lorsque des enfants disparaissent et sont atrocement tués dans son quartier, il ne peut pas faire autrement que de chercher qui est le meurtrier. D’autant plus, que ses anciens collègues commencent à le suspecter, lui, et qu’il lui reste sept jours pour trouver ce dernier, sans quoi ce se sera lui qui aura les entrailles à l’air. Pour mener à bien et tuer la chose funeste qui rôde dans Basse-Fosse, il devra exhumer certains fantômes du passé.

Pour conclure :

« Le baiser du rasoir » est un roman qui mélange les genres du polar noir et de la fantasy. C’est captivant, brutal et sanglant. En outre, le livre est bien mené et met en scène des personnages secondaires bien campés, ainsi que, évidemment, un anti-héros cynique, mais au bon cœur. Ma première aventure dans l’univers de Daniel Polansky fut une réussite grâce à son écriture solide, à un récit bien rythmé et plein d’esprit. Je lirai la suite avec plaisir !