La chronique du roman « La Guerre du Lotus, Tome 1 : Stormdancer » de Jay Kristoff

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On disait éteinte la race des griffons, ces créatures mythiques menées par les danseurs d’orage. Pourtant, Yukiko et son père reçoivent l’ordre d’en capturer un pour le cruel Shogun des îles de Shima. Contre toute attente, ils y parviennent, mais Yukiko se retrouve perdue dans une forêt sauvage, avec pour seule compagnie un griffon mutilé qu’elle nomme Buruu. Unis dans l’adversité, la jeune fille et l’animal s’entraident. Yukiko serait-elle la véritable danseuse d’orage, ultime espoir du peuple ?

Ce roman est paru aux éditions Bragelonne le 17 septembre 2014, 408 pages, 22 euros.

MON AVIS :

Il m’a fallu passer le cap des 150 pages pour entrer pleinement dans le roman et ne plus pouvoir en décrocher. En effet, de prime abord, l’auteur axe beaucoup son histoire sur l’univers, semant seulement quelques indices concernant la psychologie de ses personnages, et plus particulièrement celle de son héroïne de 16 ans, Yukiko du clan Kitsune (Renard) qui m’est apparue assez puérile en début.

On ne peut néanmoins blâmer Jay Kristoff de ce tour d’horizon copieux, parfois indigeste malheureusement, car le cadre est d’une richesse hallucinante avec ce mélange inédit entre la noble ambiance japonisante et du vrai steampunk. Une chose m’a fait persister, en dehors de la promesse de grands enjeux : l’écriture. J’ai rarement vu ce point soulevé dans les avis que j’ai pu voir circuler, mais, bon sang, QUEL STYLE ! (Bravo au traducteur, d’ailleurs). Littéraire, tout en images bien senties pour achever de rendre le décor prégnant, dérangeant avec cette pollution et l’encombrement des sens qui en résulte. Et chapeau bas à propos des interventions de Buruu le griffon qui sont d’une grande crédibilité et ne manquent pas de sel. Jay Kristoff est un magicien des mots, j’en reste rêveuse.

Un petit mot sur l’univers qui offre deux versants qui se mêlent par moments et s’entrechoquent à d’autres : le steampunk technologique et la fantasy pure et dure avec des mythes japonisants. Ces deux versants sont source de dépaysement total et servent grandement l’action, ainsi que les racines du soulèvement qui couve. Si j’ai au début eu l’impression que cela « ruinait » la poésie japonisante, j’ai vite compris que, comme le peuple opprimé, on ressent une nostalgie que les souvenirs de Yukiko ne font qu’intensifier.

Par certains côtés, Stormdancer ne révolutionne pas le genre. Il y a, en effet, des ficelles bien connues utilisées par l’auteur, comme celle de l’héroïne qui ne veut pas y aller et qui se retrouve pourtant à devoir infléchir la destinée de tout un peuple. Quelques rebondissements sont amenés assez prévisiblement avec un effet de suspense qui n’a pas pris sur moi, mais il faut reconnaître à l’auteur qu’il est un conteur hors pair doublé d’un fin psychologue.

En dehors de tout ceci, l’univers réserve des surprises, horrifiques et émouvantes, jusqu’à la fin. L’héroïne gagne en maturité, c’en est effarant, et on apprécie grandement les alternances de scènes d’action, de retours dans le passé hanté de la famille de Yukiko qui nous touche avec son côté petite fille blessée. Ce qui sort clairement de ce lot positif, c’est la relation de la jeune fille avec son griffon, Buruu. C’est ce qui m’a sans cesse portée et m’a réchauffée le cœur. On ne peut qu’être attendri par l’animal mythique, par sa sauvagerie, par son intelligence et par l’affection qu’il finit par développer pour la jeune guerrière. On assiste à une véritable communion d’esprits qui les transcende tous les deux.

Si la fin n’a rien de bien surprenant, et c’est vraiment à ce moment qu’on pourrait sentir l’influence Katniss d’Hunger Games, même si je suis la première à m’insurger contre cette comparaison facile (Suzanne Collins n’a rien inventé en matière de révolte, elle a juste remis la chose au goût du jour), on est satisfait de cette chute qui augure de belles perspectives pour la suite. Je pense notamment au peuple aux yeux ronds seulement évoqué ici qui permettrait d’étendre encore plus l’univers.

Un très bon livre de fantasy, donc, avec un univers riche extrêmement travaillé et une relation homme-animal qui séduit férocement. Je vous recommande de lire cette histoire bien contée et qui finit par trouver un parfait équilibre entre univers et psychologie.

Ecrit par Julie