La chronique de « Histoires sanglantes – Bloody tales » de Edith Wharton, Howard Phillips Lovecraft, Fredric Brown

 

Image

Un homme hagard, devenu l’ombre de lui-même, est déboussolé, envoûté par la visite quotidienne d’une morte-vivante… Une maison maudite, à l’aspect lugubre, où le nombre de morts croît dans des proportions inquiétantes…Un couple de vampires affamés, en quête de sang frais…

Vampires, vous avez dit vampires?

Trois histoires de vampires, trois nouvelles sanglantes de trois grands maîtres de la littérature fantastique et de la science-fiction.



Ce petit recueil de nouvelles est une très bonne surprise. En tant que lectrice accro à la littérature vampirique, j’étais curieuse de découvrir la vision de tels piliers du fantastique. Depuis quelques années, nous sommes bombardés de livres tournant autour des vampires, ce qui amène tout lecteur à se demander si les auteurs actuels ont inventé le mythe. Détrompez-vous ! Ils n’ont eu qu’à recycler des idées fort bien exploitées, chose d’autant plus surprenante de la part d’écrivains ayant vécu à des époques où l’imaginaire n’était pas monnaie courante dans la littérature. La préface fut une agréable mise en bouche, une mini-thèse venant combler bon nombre de mes lacunes.

Dans chacune des nouvelles, on se rend compte de la saveur toute particulière du mythe à une époque bien différente de la nôtre. En effet, les auteurs se focalisent sur l’ambiance, sur l’appréhension du paysage et sur le ressenti qu’il suscite en chacun des personnages. Le mot « macabre » ne s’est jamais aussi bien appliqué…

La première nouvelle L’ensorcelé de E. Wharton reprend les caractéristiques clefs du vampire en faisant de son emprise sur les vivants, le point central de l’intrigue. J’ai beaucoup apprécié que la descente aux enfers d’un homme soit contée par sa femme, dont on imagine le regard halluciné à peine crédible et paradoxalement si lucide. L’aspect religieux dans l’appréhension du vampirisme est bien exploité, ce qui projette le lecteur à une autre époque. L’amour au-delà de la mort, la levée des interdits grâce à au surnaturel sont autant de thèmes que vous retrouverez dans cette histoire.

J’ai une préférence marquée pour la nouvelle intitulée Une maison maudite de H. P. Lovecraft, un auteur au style plus contemporain. Il a choisi d’écrire ce texte comme un extrait de journal intime, permettant au lecteur de sympathiser immédiatement avec le narrateur. Les descriptions sont très vives, le malaise lorsque l’on contemple cette demeure maléfique est palpable. Il émane d’elle une aura dérangeante qui ne manquera pas de vous faire suffoquer. Vous serez avide de faire défiler les pages pour comprendre d’où provient cette sensation jusqu’à une chute raisonnable et inévitable, par laquelle la vie reprend ses droits effaçant le mal… hormis de la mémoire du protagoniste.

La dernière nouvelle Du sang de F. Brown est très courte et ne permet pas d’entrer réellement dans l’histoire. Elle aura au moins le mérite de l’originalité car c’est bien la première fois que je lis un texte où des vampires ont crée une machine à avancer dans le temps. Pour des créatures censées en disposer à foison, cette idée décalée surprend agréablement.


Pour terminer, je dirais que ce recueil se lit vite et fort bien. Il permet de découvrir une vision différente et à la fois familière du vampire, cet être dont on ne se lassera jamais de parler.


Une petite citation bien sympathique qui clôture la préface :

« Le désir de macabre ne peut toucher qu’une fraction étroite de la population, car elle exige, dans son expression littéraire, une certaine participation du lecteur, une certaine forme d’imagination et une capacité d’évasion bien souvent peu banale. »

Monsieur Lovecraft avait tout compris à l’esprit humain et je serais curieuse de savoir quelle serait sa réaction en sachant qu’à l’heure actuelle, ce désir de macabre a touché une population aussi large…


Éditeur : Gallimard Collection : folio bilingue Parution : 13 mai 2011 Prix : 8,4 €


écrit par Julie