Parce qu’il a décidé de se faire couper les cheveux, parce que sa manière de vivre et de penser se résume au seul terme de frénésie, Eric Packer s’engouffre dans sa limousine blanche en dépit d’une circulation new-yorkaise qui se mesure en quarts de centimètres, fasciné par « cet immense flux où la volonté physique de la ville, les fièvres de l’ego, les affirmations de l’industrie, du commerce et des foules façonnent l’anecdotique dans chacun de ses mouvements ». Autour de lui, des myriades d’écrans, une caméra de surveillance, des gardes du corps, un chef du service sécurité et de nombreux conseillers qui se relaient à l’arrière du véhicule. Riche, célèbre, intelligent, puissant et redouté, Eric a fait fortune dans la prévision des cours et parie désormais contre le yen, s’efforçant d’en prévoir les moindres mouvements en s’inspirant des modèles naturels. Parce qu’il est persuadé que la puissance de l’ordinateur élimine le doute, parce que le yen lui échappe pour la première fois, parce que sa vie tout entière est une contradiction en soi, Eric échafaude sa propre chute et va lui-même à la rencontre de son meurtrier…
Il est sorti le 16 mai 2012 aux éditions Actes Sud, 224 pages, 6,50€.
MON AVIS :
Voici un livre qui divise. Soit on n’aime, soit on n’aime pas. Malheureusement, j’appartiens à la seconde catégorie.
J’ai vraiment dû m’accrocher dans les premières pages qui annoncent clairement la couleur. Le récit est découpé, haché de sorte qu’on a l’impression qu’il est un rapiéçage de scènes, et on se sent spolié de ne pas en lire une qui va jusqu’au bout. Notre faim malsaine n’est pas rassasiée, et on se dit a posteriori que ce n’est pas un mal, car on frôle déjà l’indigestion.
Cette construction saccadée est pourtant ingénieuse, car elle colle au personnage d’Eric Packer, un jeune homme désabusé, perdu, qui cherche du sens à tout ce qui l’entoure. Il est à l’image de la société qu’il dépeint, et c’est en cela que réside la véritable réussite de ce roman. Pour peu qu’on arrive à prendre de la hauteur…
Dans la tête d’Eric, on a la sensation d’être coupé du monde qu’il observe au travers des vitres de sa limousine, portant sur les gens un regard mesquin et cruel. Il est assurément intelligent, mais justement trop. Par moments, on se perd dans ses réflexions alambiquées, qui recèlent pourtant une certaine poésie. À d’autres en revanche, le langage est cru, volontairement choquant, traduisant la décadence d’un être qui pensait tout contrôler.
Le récit semble lent et rapide à la fois, faisant que le lecteur se sent malmené. C’est à cause de cela que je n’ai pas accroché. Ajouté à cela, la noirceur du jeune financier, qui précipite sa propre chute, a le don de choquer au point de nous donner envie de fermer le livre avant la fin.
Cosmopolis est donc un roman à prendre avec des pincettes. Il est unique en son genre, c’est indéniable, mais il faut pouvoir prendre un sacré recul pour être capable de l’apprécier.
Si vous le commencez, préparez-vous à être sans cesse dérouté, mal à l’aise devant le processus d’auto-destruction amorcé par ce riche héritier qui assiste à l’effondrement de la bourse et du monde.
En tout cas, c’était clairement un livre taillé pour David Cronenberg, et après lecture, on est assez intrigué de savoir comment le réalisateur a pu adapter ce huis-clos décadent.
écrit par Julie