La chronique du roman « Anno Dracula » de Kim Newman

51ztQ8Ra0eL

Londres 1888. Depuis que Dracula a épousé la reine Victoria, la terreur règne sur la capitale. Sous l’influence du sulfureux comte, les citoyens sont de plus en plus nombreux à rejoindre les rangs des vampires, toujours plus puissants, et il ne fait pas bon être simple mortel. Mais la riposte ne se fait pas attendre. Dans les sinistres ruelles de Whitechapel, des prostituées vampires se font assassiner par un mystérieux inconnu aux scalpels d’argent. Lancés dans la traque du tueur, Geneviève Dieudonné, une vampire à la jeunesse éternelle, et Charles Beauregard, espion pour le Diogene’s Club, vont devoir gravir les échelons du pouvoir. Et s’approcher dangereusement du souverain le plus sanguinaire qu’a jamais connu le royaume…

Il est sorti le 16 avril 2014 aux Editions Le livre de poche, 8.60€.

Mon avis:

Ce roman a été publié pour la première fois en 1992. Je dois dire qu’il n’a pas vraiment vieilli depuis, même dans le style d’écriture. Après avoir refermé le livre, je dois dire qu’il me tarde déjà de connaître la suite. Je n’ai pas lu non plus Dracula de Bram Stocker (mais j’y pense sérieusement depuis la lecture d’Anno Dracula) mais j’ai vu l’adaptation cinématographique de Francis Ford Coppola que j’ai trouvé vraiment très bien. Mais ne pas connaître l’histoire n’est pas dérangeant, les événements importants y sont bien expliqués. Le résumé présentait un certain nombre d’éléments qui ne pouvaient que me plaire : des meurtres ressemblant étrangement à ceux de Jack l’Eventreur, le Londres victorien, des personnages historiques fréquentant des personnages littéraires…

*

Je crois que la raison principale, celle pour laquelle le roman m’ait autant plus, tient au fait que l’auteur, dans son intrigue, mélange un certain nombre d’éléments que j’adore pris un par un. Ce sont souvent des paris risqués mais, ici, il est clairement réussi. Kim Newman va ainsi se faire confronter des personnages historiques, ayant réellement existé (Bram Stocker et sa femme Florence, la reine Victoria, Oscar Wilde, pour ce citer qu’eux) avec des personnages littéraires qui ont été inventés pendant cette période historique, Dracula, bien entendu ainsi que tous les personnages du roman, Lestrade, Sherlock Holmes est juste évoqué, Van Helsing, Dr. Jekyll…). Je n’ai pas pu m’empêcher de penser au film La ligue des gentlemen extraordinaires  ou le roman de Fabrice Bourland, Le fantôme de Baker Street. C’est extrêmement bien fait et le tout semble cohérent.

Le postulat de départ de l’auteur était d’imaginer ce qui arrive après la fuite de Dracula alors que certains des personnages du livre ont tenté de le tuer définitivement pour l’empêcher de nuire. Le comte va faire une autre victime, et pas des moindres, la reine Victoria et prendre ainsi le contrôle de l’empire britannique. C’est vraiment très intéressant car Kim Newman a vraiment pensé à tout. Il parle de tout ce qui fait la particularité de l’époque victorienne : Whitechapel et les quartiers mal famés de Londres, une certaine décadence des mœurs… Mais, par d’autres aspects, l’histoire fait aussi écho à de sombres événements de l’Histoire moderne, du XX siècle. En effet, la garde Karpate peut faire penser à la Gestapo ou toute autre police politique. Il est également question de camp de concentration ou de travail où Dracula y fait enfermer ses opposants politiques.

Il y a vraiment un mélange de diverses influences littéraires et historiques qu’on ne pense pas forcément à faire correspondre et qui, pourtant, dans Anno Dracula fonctionne à merveille, proposant ainsi un roman très original mais également une ambiance particulièrement réussie. Elle est sombre et glauque à souhait. Il y a un côté aussi très sensuel voire érotique qui est développé mais tout est dans la suggestion. On y voit également quelques touches d’espoir dans l’avènement d’un régime différent et d’amour. Les annexes, à ce titre, sont intéressantes. En effet, outre leurs incroyables diversités (un début de scénario, une fin alternative…), l’auteur y a inséré, chapitre par chapitre, un état des lieux de ses diverses influences, sources d’inspiration. Cela devient aussi un petit jeu au fil de la lecture de pouvoir deviner de quel roman est tiré ce personnage… Ses inspirations se retrouvent jusque dans les titres de chapitres qui sont des citations d’auteurs, des titres de chansons, de livres…

*

Mon seul regret concernant cette histoire, qui m’a tout de même transporté du début à la fin, dans un univers pas forcément très joyeux mais bien décrit et développé, est que j’aurai aimé que Dracula soit bien plus présent physiquement. Il n’apparaît qu’une seule fois dans le roman mais cette rencontre créé comme un choc. Cependant, le lecteur peut sentir que son ombre plane constamment sur la ville de Londres, comme s’il était toujours présent, en train d’épier les personnages, prêts à fondre sur eux.

Cependant, Anno Dracula reste une très bonne surprise. Je m’attendais à l’apprécier mais pas qu’il soit un gros coup de cœur. J’ai eu du mal à le lâcher pendant tout un week-end. L’histoire est rondement menée autour des meurtres de Jack l’Eventreur. Les personnages sont intéressants, vraiment et j’ai aimé avoir le point de vue de chacun d’eux à un moment donné. Bien sûr, deux se démarquent tout particulièrement et ce sont eux que l’on retrouve dans la dernière scène, l’apothéose de tout le roman. Le deuxième tome, Le baron rouge sang, est déjà dans ma bibliothèque et j’espère pouvoir le commencer rapidement, surtout avec le final que nous a réservé l’auteur pour ce premier tome. Dracula n’a pas dit son dernier mot.

Ecrit par Avalon