La chronique du roman « Avant toi » de Jojo Moyes

Si le temps nous est compté… Lou est une fille ordinaire qui mène une vie monotone dans un trou paumé de l’Angleterre dont elle n’est jamais sortie. Quand elle se retrouve au chômage, elle accepte un contrat de six mois pour tenir compagnie à un handicapé. Malgré l’accueil glacial qu’il lui réserve, Lou va découvrir en lui un jeune homme exceptionnel, brillant dans les affaires, accro aux sensations fortes et voyageur invétéré. Mais depuis l’accident qui l’a rendu tétraplégique, Will veut mettre fin à ses jours. Lou n’a que quelques mois pour le faire changer d’avis.

Il sort le 22 mars 2013 aux Editions Milady Romance, 16,20€.

MON AVIS :

C’est assez étonnant de lire un roman qui arrive à nous émouvoir alors qu’on a plein de choses à redire dessus. C’est le cas d’«Avant toi » qui, malgré la vague impression de déjà-vu nous renvoyant au film Intouchables et la grossièreté du prisme social servant à analyser les situations des deux protagonistes, a réussi à me serrer la gorge tout du long. J’ai même versé des larmes dans les dernières scènes alors que j’étais certaine de ne pas le faire étant donné qu’on pouvait s’attendre à une telle fin. Eh oui, en plus des défauts relevés, on pourrait ajouter celui de la prévisibilité. Mais je ne le ferais pas. Car d’un, donner une autre direction au récit n’aurait pas été crédible à la fois du fait du sujet traité mais aussi compte tenu de la personnalité de Will. Et de deux, cette histoire fait partie des voyages qui valent la peine d’être vécus qu’importe la destination finale, car leur raison d’être est de nous faire ressentir.

Ce livre n’est pas une romance à proprement parler puisque les sentiments et émotions qu’il dégage sont plus à fleur de peau que dans une œuvre de ce genre. Et pour cause, ici, avec le thème du handicap, on ne parle pas vraiment d’amour pendant les trois quarts du roman, mais plus d’amitié, d’affection et de tendresse, quand on n’évoque pas évidemment les notions de choix, d’injustice et de résignation. De plus, on ne se focalise pas que sur les deux personnages principaux, Lou et Will, on s’intéresse aussi à leurs familles respectives, dont il nous arrive par quatre fois d’entendre les voix dans des chapitres qui leur sont consacrés. C’est judicieux, mais cela nous rappelle qu’on n’entend pas la plus importante, celle de Will, et on ressent ce manque avec la sensation que même l’auteure lui a refusé le droit de parole.

En dépit du cliché social ultime, la pauvre qui se cherche et le riche accompli qui va l’aider à se trouver, j’ai beaucoup aimé la relation entre Lou et Will parce qu’ils ont des tempéraments opposés et qu’ils font chacun ressortir le meilleur chez l’autre. Ce sont deux êtres qui n’auraient pas dû se rencontrer et que le destin a réunis pour un laps de temps très intense du fait de l’intimité qu’ils sont amenés à partager. Certains diront qu’on ne parle pas vraiment d’amour, mais je pense que l’amour revêt bien des formes et au travers de Lou, je me suis surprise à aimer Will pour ses regards hantés par les souvenirs, sa dignité, son intelligence et ses sourires illuminant son visage. Comme Lou, j’en ai oublié son fauteuil (dont je guettais l’apparition) et j’ai vu la force de cet homme dont l’esprit et l’humour éclataient sous nos yeux. J’ai apprécié qu’elle lui pose les vraies questions, qu’on aborde le handicap, l’euthanasie et les choses afférentes avec pudeur. Ainsi, on balaie tous les points de vue sans qu’on nous appelle à cautionner quoi que ce soit, de sorte qu’à la fin on se sent plus ou moins serein, convaincu que le choix ne nous appartenait pas.

À noter que si je n’ai pas éprouvé une once de sympathie pour la famille de Lou qui mettait trop de pression sur ses épaules et la dévaluer en permanence, j’ai, en revanche, beaucoup compati avec les parents de Will, notamment avec sa mère qui est parvenue à me remuer le ventre en un chapitre.

C’est un livre qui se lit vite grâce à un style fluide, pétillant et drôle par moments, inquiétant et poignant à d’autres. Les situations du quotidien et les escapades organisées par une Lou désespérée sont savamment dosées et confèrent un très bon rythme au récit. Si le sujet était assez cliché, puisqu’exploité à de nombreuses reprises en littérature ou au cinéma, il n’y avait rien de facile dans l’émotion suscitée, et rien que pour cela je ne regrette pas ma lecture.

Ecrit par Julie