La chronique du roman « La fille du temps » de Josephine Tey

9782264049476

Immobilisé sur son lit d’hôpital, l’inspecteur Grant s’ennuie. Pour se distraire, il passe au crible de son œil criminologiquement très exercé des portraits de personnages historiques. Parmi eux, un visage lui inspire sympathie et déférence. Mais il s’avère être celui de l’épouvantable Richard III, roi d’Angleterre, parvenu au trône (voyez Shakespeare) grâce à l’assassinat de ses neveux, les enfants d’Édouard. Alors commence à travers l’Histoire une quête de la vérité qui forme l’une des enquêtes les plus originales de toute la littérature policière, l’un des dix grands classiques du genre salué par la critique et aussi par les pairs de l’auteur.

 Il a été réédité le 21 novembre 2013 aux éditions 10 18, 216 pages, 7,10€.

MON AVIS :

J’avais plusieurs livres en cours, dans différents genres, mais aucune lecture ne m’enthousiasmait vraiment. Motivée par la mince épaisseur de ce roman, qui promettait d’être vite lu, et par le côté historique de l’enquête se référant à la guerre des Deux-Roses, récemment remise au goût du jour avec la série tv très romancée The White Queen, je l’ai ouvert en début de soirée pour ne le reposer que deux heures plus tard…

Plusieurs choses surprennent d’emblée quand on termine cette lecture. Un, il s’agit d’un livre qui contient, somme toute, peu de dialogues, et pourtant l’introspection est si stimulante, grâce à l’humour et à l’entêtement du personnage, qu’on se surprend à faire défiler les pages sans ressentir aucune souffrance intellectuelle. Deux, le ton se veut très contemporain alors que ce roman a été écrit en 1951 ( !). Trois, notre curiosité n’a de cesse d’enfler tout au long de l’enquête, et on suppose vraiment aux côtés des deux protagonistes en pleine contestation historique.

Pour resituer, l’inspecteur Grant se retrouve hospitalisé à la suite d’un accident survenu pendant l’une de ses enquêtes, et, pour chasser la déprime qui le frappe à cause de cette inertie physique et intellectuelle, l’une de ses amies lui apporte des portraits de figures historiques à « décrypter ». Il faut dire que le monsieur apprécie de lire sur les visages, pour classer leurs propriétaires dans la catégorie des gentils ou dans celle des méchants. Dans la pile d’images, une attire particulièrement son attention, celle représentant Richard III, l’un des trois fils Yorks qui furent embarqués dans la sanglante guerre des Deux-Roses, un événement majeur qui s’étira sur près de trente ans et qui divisa l’Angleterre toute entière en deux camps bien distincts : les Yorks et les Lancastres, donc.

On retient de cette guerre qu’elle avait un goût très personnel puisqu’il a été question de trahisons et de réconciliations familiales à répétition. On comprend sans aucun mal que bon nombre d’intervenants dans ce conflit ont écopé du statut de grands vilains sans foi ni loi, tandis que d’autres en sont ressortis glorifiés. Il est clair que l’auteure, en son temps, a dû s’attirer les foudres des Britanniques et des historiens, car elle a entrepris de laver l’honneur de Richard III, le frère du roi Edouard IV, l’homme que l’on accuse de s’être tenu en « arrière-plan » jusqu’à la mort de son aîné dont il aurait assassiné les deux fils, candidats directs à la succession.

C’est un roman vraiment bien mené, il n’est pas du tout indigeste, alors que si on prend du recul, on se rend compte qu’il foisonne d’informations et d’anecdotes concernant cette période du XVème siècle. Le style est simple, léger même. On ne s’investit pas émotionnellement, on ne souffre pas, donc, on éprouve juste un intérêt pour cette enquête qui nous amène à redorer le blason d’un homme qui est diabolisé depuis des siècles par toute une nation. Refaire l’Histoire est finalement plus enthousiasmant que d’apprendre l’Histoire dans des manuels scolaires, voilà ce qu’on retient.

Ecrit par Julie