La chronique du roman « Natural Enemies » de Julius Horwitz

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«Tous les hommes songent un jour ou l’autre à tuer leur famille. Certains le font. Les uns par vengeance. Les autres parce qu’ils n’ont pas le choix.» Éditeur à succès, Paul Steward étouffe dans sa vie en apparence parfaite. Il a décidé que ce soir, en rentrant chez lui, il tuerait sa femme Miriam et leurs enfants, avant de se suicider. Ceci est le récit, heure par heure, de cette dernière journée…

Il est sorti le 10 octobre 2013 aux Editions Folio policier, 304 pages, 7,70€.

Mon avis:

Tenir ce roman entre les mains, c’est comme tenir un morceau de glace. Le contact en est immédiatement froid, pour devenir vite glacial. Ce froid se propage insidueusement à l’intérieur de votre corps, le long de votre échine. Frissons. Tremblements.

Au fur et à mesure, cette sensation glaciale se transforme en brûlure, comme si on vous marquait au fer rouge de l’intérieur.

Mais de la glace, c’est également fascinant à regarder de très près. Structure complexe, sophistiquée. Enchevêtrement de différentes couches qui rend le tout mystérieux.

Regardez le monde à travers ce morceau de glace translucide, et vous le verrez de manière déformée et pourtant parfaitement reconnaissable.

C’est toutes ces sensations qui sont présentes dans ce roman étonnant, détonnant, éprouvant et vraiment glaçant.

Rien à voir avec un polar, c’est un roman noir, très noir sur un homme qui se lève le matin avec la ferme intention de flinguer femme et enfants durant la soirée, pour se tuer par la suite. Froidement. Je ne dévoile rien, c’est le pitch de départ.

L’auteur nous convie à suivre cet homme durant sa (dernière ?) journée et à plonger au plus profond de son esprit (et de celui des gens qu’il va côtoyer durant cette courte période).

Roman hors-norme par son sujet et par son traitement, roman intemporel (même s’il date de 1975), roman psychologique et analyse d’une société (déjà) en perte de repères : Natural Enemies (qui n’est étonnamment pas le titre original) est un iceberg sur lequel vont s’écraser nos valeurs en berne.

Un roman sur la peur surtout, une peur insidieuse qui se propage dans notre société et nos relations humaines et familiales.

Ces circonlocutions d’esprits malades de leurs valeurs, ces monologues de personnages perdus dans leur égoïsme, ces échanges de personnes qui ne se comprennent pas font froid dans le dos.

Un récit particulièrement hostile par son propos qui appuie là où ça fait mal et dont les aspérités ne permettent pas de s’accrocher à un semblant de lueur.

Sexuellement très explicite, psychologiquement violemment dérangeant, c’est une aventure humaine extrêmement douloureuse et qui nous pique au cœur, aux tripes, au sexe et à l’âme.

Un roman sans aucune concession, sans compromission. Un roman difficile à lâcher, une lecture rude, un propos d’une rare intelligence, une plume recherchée. Même s’il m’a semblé quelquefois un peu trop bavard, ce roman est une expérience unique et une gifle magistrale.

(La couverture Folio de l’édition 2013 est très parlante)

Ecrit par Gruz