La chronique du roman « La trilogie de l’empire, Tome 3 : Maîtresse de l’empire » de Raymond E. Feist & Janny Wurts

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Dame Mara des Acoma, pair de l’Empire, est victime d’une nouvelle et cruelle tentative d’assassinat. Elle en est sûre : c’est son vieux rival, Jiro des Anasati, qui se cache derrière ce crime. Mais les plans de vengeance de la jeune femme se trouvent vite contrecarrés par l’Assemblée des magiciens, qui détient le véritable pouvoir. En quête d’alliés, Mara devra voyager au-delà des frontières de la civilisation. Elle mènera ainsi la plus grande bataille de son existence, pour sa propre vie, son foyer et l’empire lui-même.

Il est sorti le 21 juin 2013 aux Éditions Milady, 900 pages, 10,90€.

MON AVIS :

La trilogie de l’Empire, ou comment une saga est entrée dans le top ten de mes lectures préférées. Eh oui, carrément. J’ai refermé ce dernier tome avec quelques larmes aux yeux parce que sans s’en rendre compte, on s’est énormément attaché à Mara et à ses conseillers. Il faut dire qu’on a eu le temps de bien les connaître en près de 3000 pages. Les deux auteurs, Feist et Wurts, ont signé là une saga époustouflante, je dirais même un chef-d’œuvre du genre, même s’il est difficile d’en définir les contours. C’est, en gros, de la fantasy politique avec un décor et des mœurs japonisants, auxquels se mêlent des croyances religieuses et magiques. Le tout servi par une écriture visuelle qui fait éclore de beaux sentiments exposés tout en pudeur dans ce monde aux codes rigides.

L’univers japonisant est une succession de tableaux enchanteurs que le duo d’écrivains nous glisse avec subtilité sous les yeux, pour mieux nous faire tressaillir devant la possibilité que cette quiétude soit balayée par l’impitoyable jeu du Conseil. Et ce jeu prend encore une tournure dramatique dès le début de ce tome car si l’on croyait Mara à l’abri, en pleine félicité conjugale avec le paisible Hokanu, il n’en est rien, tout vole de nouveau en éclats avec une mort inattendue qui plonge notre héroïne dans une détresse sans nom. Et comme toujours, l’habileté des auteurs fait qu’on en profite pour alterner les points de vue et mieux connaître son époux, mais aussi le clan des Anasati à travers les yeux de Jiro, son dirigeant, ex beau-frère vexé dans son orgueil après que Mara lui ait préféré son frère Bunto, et surtout Chumaka, le premier conseiller machiavélique qui va donner bien du fil à retordre au maître-espion Arakasi.

Si la magie s’était finalement faite très timide durant les premiers opus, ici, elle s’invite de plein fouet puisqu’on découvre de l’intérieur l’Assemblée des Très-Puissants, ces hommes issus de tous les horizons de l’Empire, voire même au-delà, arrachés à leurs familles pour développer leurs prédispositions aux arts mystiques. À les observer, on oscille entre consternation et inquiétude. Mara doit également faire face à la ligue des assassins, les Tong Hamoï, qui en a après elle. S’ensuivent des événements trépidants qui nous amènent à œuvrer aux côtés de son maître-espion, l’ingénieux et charismatique Arakasi, dans des missions périlleuses. Outre cela, l’inimité presque éternelle qui oppose les Acoma et les Anasati, son ex-belle famille, explose, et une guerre inévitable se dessine, les étendards verts des Acoma défiant ceux rouges et jaunes des Anasati.

L’un des gros atouts de cette saga, c’est que chaque tome a une empreinte et une saveur particulière tout aussi puissante, que ce soit au niveau de l’univers ou à un degré plus personnel dans les convictions de Mara, une héroïne très marquante. En effet, Fille de l’Empire était une première incursion dans l’Empire qui se cantonnait finalement à nous faire découvrir le jeu du Conseil pendant que Mara luttait pour assurer la survie de son clan. Le second opus, Pair de l’Empire, amorce un déclin inéluctable des mœurs archaïques tsuranni, puisque la jeune femme va connaître le souffle du changement dans les bras de son barbare Midkemian, Kevin de Zûn, qui la force à remettre en question l’inertie de son peuple. Et enfin, dans ce dernier opus, près de vingt ans plus tard, Mara a bien grandi, elle a eu plus que son lot de souffrances ; elle a définitivement rompu avec les codes néfastes de l’Empire qu’elle veut à présent réformer de fond en comble.

Ce tome-ci est aussi épique et politiquement tortueux que les autres, mais il a atteint une grande intensité car on sent que le point de rupture est proche : l’Empire sera transfiguré, il ne peut en aller autrement. Cela n’est malheureusement pas du goût de tout le monde, et la famille de Mara est encore plus en danger. C’est l’heure de renforcer les alliances en place et de faire des choix téméraires, la matriarche mettant la main à la pâte en partant dans une expédition risquée qui nous permet de voyager plus loin, au-delà des frontières de ce vaste Empire. Le salut viendra de où on ne l’attend pas, mais c’est finalement l’ouverture d’esprit de l’héroïne qui finit par payer.

Je terminerais en parlant des protagonistes qui gravitent depuis presque trois tomes autour de Mara. Chacun est mis en lumière, autant que Mara, c’est dire, et on réalise qu’ils ont été des piliers inébranlables dans cette ascension politique qui les a profondément impactés eux aussi. Tous ont changé, se sont découverts grâce à cette dame qui leur a permis de vivre pleinement, voire de survivre grâce à la seconde chance qu’elle leur a donnée de récupérer leur honneur. S’il est plutôt simple de retranscrire les relations amoureuses, il n’en va pas de même concernant les autres rapports humains, qu’ils soient amicaux ou familiaux. Et on a devant les yeux une grande réussite dans le domaine.

Arakasi, le maître-espion anciennement affilié aux Tuscaï, a obtenu sa vengeance contre les Minwanabi, et une rencontre va bouleverser sa façon de vivre au gré des manipulations et complots à fomenter ou à déjouer. Lujan, l’ancien guerrier gris sans honneur devenu commandant des armées Acoma, reste fidèle à lui-même, désinvolte et taquin, et le changement qui s’opère en lui est d’une belle subtilité. Keyoke, l’ancien commandant infirme devenu conseiller de guerre, représente toujours une figure paternelle de substitution, et jusqu’au dernier moment il agit comme un homme au courage sans limite. Quant à Hokanu des Shinzawaï, Mara le dit, il est l’époux parfait, je dirais même l’homme parfait. Impossible de ne pas l’aimer, sans parler de le respecter.

C’est donc une saga exceptionnelle qui prône de grandes valeurs humaines, notamment le sens du sacrifice pour le bien commun. La trilogie de l’Empire, c’est avant tout l’histoire d’une femme qui va provoquer un changement énorme dans la politique de son peuple, alors qu’elle ne cherchait, au final, qu’à assurer la survie de son clan et de sa famille. C’est ce qui aura rendu son combat juste jusqu’à la fin, et malgré les tragédies qu’elle a vécues, elle n’est pas amère et continue de se battre pour assurer la pérennité de ce qu’elle a construit. La fin est émouvante au possible, la Roue de la vie tourne pour tous et récompense les survivants, pour notre plus grand plaisir. Ah l’amour…

Ecrit par Julie